2005.
En introduction au catalogue de l'exposition Giovanni Boldini (1842 - 1931) qui se tient au Palais Zabarella de Padoue, Frencesca Dini publie une étude (1) qu'illustre, entre autres documents, un dessin légendé de la manière suivante:
« Paul Helleu, Boldini e il tenore Tamberlick, Montecatini Terme, Archivio Piero Dini ».
L'année suivante, ce même dessin est repris par le même auteur en illustration d'un nouvel article pour le catalogue de l'exposition « Boldini, Helleu, Sem / Protagonisti e miti della Belle Epoque » qui se tient au château Pasquini à Castiglioncello (Toscane). Le dessin est cette fois-ci légendé de la manière suivante:
« Paul-César Helleu, Boldini con il tenore Enrico Tamberlick, Archivo Privato ».
Si l'on reconnaît effectivement le peintre Boldini sous les traits du personnage en arrière-plan du dessin, le pianiste est évidemment le peintre Jacques-Emile Blanche (1861 - 1942), âgé de 23 ou 24 ans.
On sait en effet que le fils du Docteur Blanche, le célèbre aliéniste, était un pianiste émérite qui balança au début de sa carrière entre peinture et musique, ce qu'il nous rapporte dans ses mémoires intitulés La pêche aux souvenirs (2) :
« J'hésitais entre la peinture et la musique ; une copie d'après le Parnasse de Mantegna, que je fis au Louvre en 1880 et que Baudry, Gustave Moreau, Bonnat voulurent acheter, décida en faveur de la palette ».
Au reste, Jacques-Emile Blanche, pour reprendre ses propres mots, était « né sous le signe de la musique » (3) . Le compositeur Charles Gounod, l'ami le plus intime de son père, ne l'avait-il pas pris sous sa protection et ne l'avait-il pas baptisé « petit Mozart »? « Le piano... combien je l'ai fais raisonné depuis mon enfance », notait Jacques-Emile Blanche dans son journal en 1931 (4) , comme le rapporte Roger Delage dans son essai (5) consacré à la passion du peintre pour la musique.
On sait par ailleurs que pendant toute la première moitié des années 1880, Jacques-Emile Blanche souffrit d'obésité, et qu'il pesa jusqu'à 116 kg. C'est ce dont témoigne le portrait que Jean-Louis Forain (1852 - 1931) réalisa de lui en 1884, et que possède aujourd'hui le Musée des Beaux-Arts de Rouen. C'est ce dont témoigne également Six amis à Dieppe, un pastel de Edgar Degas ( 1834 - 1817) que conserve le Museum of Art de Rhodes Island. Ce pastel, réalisé par le maître en 1885 alors qu'il est en villégiature chez les parents de Jacques-Emile Blanche, nous montre leur fils de profil, en haut à droite de la feuille, aux côtés du peintre Walter Sickert, du librettiste Ludovic Halévy et de son fils Daniel, du peintre Henri Gervex (1852 - 1929) et de Albert Boulanger-Cavé. On peut y constater à nouveau que Jacques-Emile Blanche, comme sur le dessin par Paul-César Helleu et sur son portrait par Jean-Louis Forain, souffre d'un fort embonpoint.
On sait enfin qu'à partir de 1882, Jacques-Emile Blanche fut lié d'amitié avec Paul-César Helleu, qu'il voyait régulièrement autour des années 1885 à Paris, à Londres ou à Dieppe. Et que, toujours à cette même époque, Jacques-Emile Blanche fréquenta, tout aussi régulièrement, Giovanni Boldini.
Nous ne manquerons pas par ailleurs de relever que dans ce dessin intimiste montrant Jacques-Emile Blanche au piano, Paul-César Helleu n'a pas manqué d'indiquer la chevalière aux armes des Blanche de Beslou, que le peintre porta toute sa vie durant à l'auriculaire de la main gauche, et qu'on lui voit encore sur la photographie que fit de lui à Dieppe Henri Walter Barnett en 1920.
NOTES :
(1) Francesca Dini «Dalla « Macchia » alla Belle Epoque / Il geniale virtuosismo di Boldini» dans Boldini, Editions Marsilio 2005 pp 17 - 37. (Revenir)
(2) Jacques-Emile Blanche La pêche aux souvenirs Flammarion Editeur 1949 p 133. (Revenir)
(3) Journal inédit de Jacques-Emile Blanche. Bibliothèque de l'Institut Ms - 4817 p 23. (Revenir)
(4) Journal inédit de Jacques-Emile Blanche. Bibliothèque de l'Institut Ms - 4803 p 35. (Revenir)
(5) Roger Delage « Un fou de musique » dans Jacques-Emile Blanche peintre (1861 - 1942) Editions Musée des Beaux-Arts de Rouen et Réunion des Musées nationaux 1997. (Revenir)
Dernière modification par Stéphane-Jacques Addade, le 23/03/2015